SAMEDI 30 JUIN 2018
20H15 / Pépinière
Château de La Ballue, Bazouges-la-Pérouse
Tarifs 11 € / 9 € (réduit)
L’Amant, c’est l’histoire ultra célèbre de Marguerite Duras. Je l’ai connue, je l’ai fréquentée les dernières années de sa vie. J’avais treize-quatorze ans quand je l’ai rencontrée, j’étais fan, je l’ai suivie et c’était la dernière période. C’était après L’Amant. C’est inoubliable, à cet âge, ce que cette femme a pu m’apporter. Je me souviens de tout. Elle parlait — ce qui est assez rare — comme elle écrivait.
Yuika Hokama est une danseuse que j’ai rencontrée à Lyon, quand Gwenaël Morin m’a prêté son théâtre pendant cinq mois, je l’ai rencontrée par audition. Nous avons fait beaucoup de spectacles ensemble, à Lyon, puis à Paris. Douée comme danseuse, chanteuse et comédienne. Dans l’un des spectacles de Lyon, elle propose un extrait de L’Amant, en japonais. C’est bouleversant. Plus tard, elle débarque dans le cours que je donne à Pantin, (près de Paris). Le cours s’intitule Jouer comme Gérard, il a lieu dans le café associatif Pas Si Loin et, dans ce café, elle, pendant quarante minutes, elle déploie — sans accent, en français — l’une des scènes peut-être la plus difficile à jouer. Quand, pour la première fois, l’amant chinois emmène la petite Française dans sa garçonnière.
Cette vie-là, vécue. Là. Le café « Pas si loin », à Pantin, devient un lieu sacré, pendant tout ce temps, inoubliable. La vie continue derrière la vitre, prolifique, le carrefour, la lumière déclinante — et nous étions, nous, dans notre « lieu sacré », dans notre « livre intérieur » (comme l’appelle Proust dans Le Temps retrouvé). À la fin, nous sommes tous soufflés, retournés par ce qu’il vient de se passer (« l’état de l’apparition », disait Marguerite Duras) et Yuika me reproche gentiment de n’avoir pas de « notes » à lui faire. Je réponds : « Que veux-tu que je te dise ? C’est excellent. Si Marguerite Duras était là, elle en serait dingue… » Oui, Marguerite Duras était vraiment là, pour moi, et ça lui plaisait plus que tout. Elle aimait la petite Japonaise d’Okinawa qui jouait L’Amant, j’étais ramené à mon adolescence.
Yves-Noël Genod, mars 2018
Conception : Yves-Noël Genod
D’après le roman de Marguerite Duras
Interprétation : Yuika Hokama
Production : Le Dispariteur
YVES-NOËL GENOD est né en 1972. Il a toujours joué et mis en scène, notamment en travaillant avec Claude Régy et François Tanguy (Théâtre du Radeau). Depuis la pratique du contact improvisation, il dérive vers la danse avec une collaboration avec Loïc Touzé. En 2003 à l’occasion d’une carte blanche pendant le festival Let’s Dance au Lieu Unique à Nantes, Loïc Touzé lui propose de fabriquer son premier spectacle, En attendant Genod qui s’appuie sur le modèle des stand-up anglo-saxons. Les «cartes blanches» s’enchaînent ensuite, spectacles – près de quatre-vingt à ce jour – et performances présentés le plus souvent dans des festivals, des lieux de danse ou des formes hybrides. En 2013, pour la deuxième édition d’Extension Sauvage il a présenté une performance avec Marie-Françoise Mathon, Conversation en attendant.
YUIKA HOKAMA est née en 1988 à Okinawa, au Japon. Elle se forme à la danse classique dans son pays natal avant d’intégrer le Conservatoire National Supérieur de Lyon en 2003. Elle en sort diplômée en 2011, s’étant orienté vers la danse contemporaine. En 2015, elle rencontre Yves-Noël Genod et participe 5 spectacles du cycle Leçons de théâtre et de ténèbres au théâtre du Point Du Jour à Lyon. Elle y dira son premier texte : un extrait de L’Amant de Marguerite Duras, en japonais. Elle retrouve Yves-Noël Genod à Paris en 2017 pour ses cours de théâtre Jouer comme Gérard à Pantin. Elle y joue alors son premier texte en français : encore L’Amant. Yves-Noël Genod lui propose d’en faire un solo qu’elle joue en public au début de l’été 2017 au café Pas Si Loin. En 2017 elle joue dans La Beauté contemporaine, le deuxième volet du diptyque sur Marcel Proust d’Yves-Noël Genod. On pourra la retrouver fin juillet au Festival d’Avignon pour Certaines n’avaient jamais vu la mer, de Julie Otsuka, dans une mise en scène de Richard Brunel.